Il semble être le grand absent de la cathédrale de Clermont : le Moyen Age ignore en général saint Joseph, à la suite des premiers temps du christianisme. Il est même inexistant dans l’Arbre de Jessé, alors que la filiation du Christ à David se fait par lui (Mt, 1, 16) ! On n’a aucune trace de reliques de saint Joseph dans le diocèse . (une seule relique est signalée en 1654 dans l’église St-Pierre de Clermont. C’était peut-être un morceau du rameau fleuri qui, d’après les apocryphes, avait désigné saint Joseph comme époux de Marie…) 1
La dévotion à saint Joseph apparaît grâce aux ordres mendiants, franciscains et carmes, et se développe au XVIe siècle. Il devient alors le patron des charpentiers et des menuisiers. Mais c’est surtout grâce à sainte Thérèse d’Avila, aux jésuites (oraison : O veneranda Trinitas, Jesus, Joseph et Maria ; JMJ) et à saint François de Sales que son culte se répand. Le pape Grégoire XV déclare en 1621 que l’Église le fêtera le 19 mars. Il devient aussi le patron de la Bonne Mort : comme il n’est pas mentionné lors de la Passion du Christ, et que celui-ci confie sa Mère à saint Jean, on pense qu’il est mort avant , très sereinement,, assisté par Jésus et la Vierge Marie.
A la cathédrale de Clermont, l’ordinaire de 1698 ne fait pas état de saint Joseph. Ce n’est qu’en 1795 que les documents mentionnent une chapelle St-Joseph, celle qui était antérieurement dédiée à sainte Agathe. En 1839, dans la nef, on bénissait les mariages dans une chapelle St-Joseph, où figurait l’inscription : « Quod Deus conjugat, homo non separet » (ce que Dieu unit, que l’homme ne le sépare pas).
La fin du XIXe accroît encore la dévotion à ce saint : en 1870, le pape Pie IX proclame saint Joseph Patron de l’Église universelle.
À Clermont, une église est bâtie fin XIX par l’abbé Géraud Cluzel, l’église Saint-Joseph, en laquelle l’évêque vient alors célébrer le 19 mars, et le 1er mai. Située dans le quartier de la gare, elle possède une iconographie très intéressante : on y retrouve tous les aspects du culte du saint (chapiteau pour le travail du charpentier, sainte Famille, vitrail de Joseph, fils de Jacob (AT), de sainte Thérèse d’Avila, puis vitrail de saint Joseph, patron de la Bonne Mort, etc…).
1 L’église Notre-Dame de Joinville, située dans la petite ville de Joinville en Haute-Marne, possède la « ceinture de saint Joseph », ramenée des croisades par saint Louis vers 1248, donnée à son chroniqueur Jean de Joinville, sénéchal de Champagne, qui l’a accompagné, et remise par ce dernier à la paroisse du château de Joinville en 1252. (note de Jean-Marie Laillet, diacre à Joinville)
Un chapiteau du choeur de Notre-Dame du Port nous montre le premier moment où est présent dans l’Evangile saint Joseph : quand l’ange lui apparaît pour lui dire de ne pas répudier Marie. C’est dans une face tournée vers le sanctuaire que nous voyons ce passage. La porte à droite pourrait symboliser la future demeure de la Mère et l’Enfant.
L’ange saisit saint Joseph par la barbe (geste que l’on retrouve avec Adam, sur un autre chapiteau). C’est un ordre que Dieu donne à saint Joseph, en le détournant de la tentation de renvoyer Marie.
« Ioseph autem vir eius cum esset justus et nollet eam traducere voluit occulte dimittere eam«
Mt 1,19
« Joseph fili David noli timere accipere Mariam conjugem tuam » Mt 1, 20
Comme Joseph était un homme juste, et ne voulait pas la diffamer,
il résolut de la renvoyer en secret…
L’ange lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse »
Par l’humble accueil qu’il fait de l’Emmanuel dans sa lignée, Joseph est le juste par excellence. Comme tous les justes, il attend le Messie, mais lui seul reçoit l’ordre de jeter un pont entre les deux Testaments : bien plus que Siméon recevant Jésus entre ses bras, il accueille le Sauveur dans sa propre lignée. Joseph réagit comme les Justes de la Bible devant Dieu qui intervient dans leur histoire : comme Moïse… comme Isaïe… comme Pierre enfin, disant : « Eloignez-vous de moi, Seigneur, car je suis un pécheur » X Léon-Dufour, Etudes d’Evangile
Dans la cathédrale, des médaillons romans détaillent certains épisodes des évangiles de saint Luc et de saint Matthieu. Situés dans la chapelle Saint-Anne, ils datent du XIIe siècle. La scène de la Nativité montre saint Joseph isolé et pensif (Luc, 2,7), la Présentation au Temple le représente tenant le couple de colombes (Luc, 2, 24-38) ; l’Ange lui apparaît pour le prévenir de la persécution d’Hérode (Mt, 2, 13), et enfin, il conduit l’âne que montent Marie et l’Enfant lors de la fuite en Égypte (Mt, 2, 14). Nous allons détailler ces médaillons, en nous inspirant des explications de Paul Evdokimov dans « L’art de l’Icône ».
La Nativité :
Du côté gauche, à part, se tient saint Joseph plongé dans une profonde méditation. Son visage exprime l’angoisse : « Portant dans son cœur une tempête de pensées contradictoires, le chaste Joseph se trouble, mais, éclairé par le Saint-Esprit, il chante joyeusement « Alleluia » (Hymne acathiste) ».
Le message de l’Évangile s’adresse à la Foi, et rencontre les doutes, l’obstacle.
Présentation au Temple :
Au VIe siècle, cette fête de la Présentation au Temple fut introduite à Constantinople, où elle sauva la ville de la peste…A l’intérieur du sanctuaire, Joseph et Marie confient l’enfant Jésus à Siméon, et Anne la prophétesse : c’est la rencontre entre l’Ancien et le Nouveau Testament, unis par l’Enfant qui se trouve au-dessus de l’autel, préfiguration de sa mort future. Saint Joseph tient le couple de tourterelles, pour accomplir la Loi du rachat de tout premier né, et il est explicitement reconnu comme père de Jésus : « son père et sa mère s’émerveillaient ».
Le songe de Joseph
Le restaurateur du début XXe, Gaudin, a choisi d’interpréter ce médaillon comme l’apparition de l’Ange à Joseph avant la fuite en Égypte. Cela semble être plutôt le moment où l’ange rassure Joseph : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse », moment que nous avons vu sur le chapiteau de Notre-Dame du Port.
Dans les deux cas, l’ange intervient de nuit, et son apparition est évoquée par la mandorle qui enveloppe Joseph. Le « songe » de Joseph rappelle les songes de Joseph et de Jacob, (Gn 28, 10-22, et 37, 5-11). Le Seigneur lui –même se révèle. Joseph se montrera « juste » en faisant tout ce que Dieu commande.
La fuite en Égypte
Le fait que Jésus soit amené à descendre en Égypte est une correspondance fondamentale entre l’Ancien et le Nouveau Testament : dans l’Ancien Testament, deux personnages essentiels ont vécu en Egypte, Joseph et Moïse.
L’Histoire du Salut trouve son accomplissement en Jésus qui, comme Joseph sera le bienfaiteur de l’Égypte, et sauvera son peuple de la famine. Jésus sera l’Agneau pascal et le nouveau Moïse, victime et grand prêtre, pontife de la Nouvelle Alliance, et figure de l’Église qui qui affronte le désert et les tentations pour gagner la Terre promise.
Saint Joseph ayant obéi sur le champ à l’ordre de l’ange guide la Vierge Marie et l’Enfant.