Panneau peint de Saint-Jean-des Ollières : Trésor de la Cathédrale

Il y a depuis l’installation du Trésor de la Cathédrale par le chanoine Craplet, dans les années 80, un curieux panneau peint en bois. Il a été déposé au Trésor par la commune de Saint-Jean-des-Ollières, pour sa sauvegarde. Les « Amis de la Cathédrale » avaient permis l’installation de la salle du Trésor, avaient la mission de faire visiter le Trésor, et faire découvrir les œuvres.

On ne peut que déplorer la fermeture depuis 2017 de cette salle du Trésor, et l’impossibilité actuelle de contempler ces œuvres, en particulier celles confiées par les communes : Colamine-sous-Vodable, Saint-Jean-des-Ollières, Sallèdes,  Authezat, etc…

Présentation :

C’est un panneau peint, de 1,82 sur 0,63 m. Il contient 4 tableaux de 0,23 sur 0,53 m, de deux scènes chacun, retaillés pour être insérés dans la planche principale, de part et d’autre d’un petit panneau. Ce sont des scènes typologiques : quatre scènes inférieures illustrent des passages du Nouveau Testament, les « antitypes », et quatre scènes supérieures des épisodes de l’Ancien Testament s’y rapportant, les « types ». Un tableau central figure, au centre, Dieu le Père, la colombe de l’Esprit saint, et des anges et surmonte une ouverture en forme de porte.

Dans une carte postale de Gouttefangeas de 1925, on distingue le panneau placé en antependium. L’ouverture centrale, correspondant à la porte d’un tabernacle, permet de supposer qu’il était antérieurement placé sur l’autel principal, comme retable.

La peinture s’écaille malheureusement : des morceaux de taffetas permettent de la conserver, en attendant une restauration.

Source

Les peintures correspondent à la mise en œuvre des préceptes du Concile de Trente : les tableaux évoquent l’Eucharistie, la Messe, la Présence réelle, et la force des Paroles de la Consécration. Les 8 tableaux principaux ont été peints fin XVIe ou début XVIIe ; les scènes sont théâtralisées, les coloris sont vifs, les personnages ont des têtes allongées, éloignées des proportions idéales : on s’éloigne ici des canons de la Renaissance pour entrer dans le mouvement maniériste.

L’ensemble a été composé dans une période troublée : les guerres de religion faisaient rage dans la région d’Issoire, et une communauté protestante était solidement implantée à Pailhat, et Job, non loin de Saint-Jean des Ollières

On consultera avec profit l’article de Valentine Langlais : Le pain et l’Eucharistie dans les retables flamands du Saint-Sacrement, 1550-1600. Il y avait à Saint-Jean-des-Ollières une confrérie du Saint Sacrement au XVIIe siècle.

Récolte Manne Abraham-Melchisédech Trinité Elie nourri dans le désert Agneau pascal, Moïse
Pèlerins d’Emmaüs Elévation à la Messe Porte Tabernacle Apôtres à Jérusalem La Cène

 

Premier panneau : la manne, Emmaüs

1 La récolte de la Manne

Source : Ex 16,14-16

La rosée se dissipa, et voici sur la surface du désert quelque chose de menu comme des grains, et de menu comme la gelée blanche sur la terre…Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (Ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. Voici ce que le Seigneur a ordonné : Recueillez-en autant que chacun peut en manger : une mesure par personne. Chacun de vous en prendra selon le nombre d’habitants de sa tente. »

Description :

La scène se passe à la montagne, l’arrière-plan montrant des rochers peints en grisaille bleue. La montagne évoque le désert, lieu terrible de rencontre avec Dieu. Des tentes circulaires sont dressées, éparses, aux oriflammes volant au vent. La première est surmontée par un dôme de toile richement ornée, rappelant la tente de la Rencontre, lieu sacré où Dieu parlait à Moïse. Au premier plan, celui-ci, reconnaissable à ses cornes dans la chevelure, sort de la tente, un bâton dressé dans sa main gauche. A ses pieds, un homme et une femme remplissent des corbeilles avec des petits grains blancs. Derrière lui, on reconnaît Aaron à sa coiffe juive de grand prêtre. Dans tout le camp, des personnages recueillent la manne, qui descend du ciel comme des flocons de neige.

Trésor de la Cathédrale, panneau de St-Jean-des-Ollières, la Manne

2 Les pèlerins d’Emmaüs

Source : Luc 24, 25-32

Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.

Panneau peint St-Jean-des-Ollières, trésor Cathédrale, Emmaüs

Description : La scène est théâtralisée par un grand dais rouge, englobant un drap vert suspendu et maintenu par des lacets, tel un ciborium.

Au centre le Christ, identifiable à son auréole de rais d’or surmontée d’une croix, vêtu d’une robe bleue, est le personnage principal. Il est assis à une table, rompant le pain. Il a une barbe bifide, sa chevelure est partagée par une raie centrale. Il est tourné vers son commensal de droite, qui croise les mains sur sa poitrine. Sa robe verte protégée par un manteau rouge, il écoute le Christ. A la gauche du Christ, un homme, vêtu d’une robe jaune et d’un manteau rose, tient son verre de la main droite, et un morceau de pain dans la main gauche. Il ne regarde aucun des autres convives. La table est recouverte d’une nappe parsemée de fleurs, et supporte écuelles, couteaux, deux verres, une aiguière, et un grand plat. Les trois personnages portent un chapeau de pèlerin, retenu par un cordon.

Deuxième panneau : Rencontre d’Abraham et de Melchisédech,
la Messe

Panneau St-Jean-des-Ollières, Trésor cathédrale, Abraham

1 La rencontre d’Abraham et de Melchisédech

Source : Gn 14, 17-24 Le roi de Sodome s’avança vers la vallée de Shavé, c’est-à-dire la vallée du Roi, à la rencontre d’Abram. Celui-ci venait de battre Kedorlahomer et les rois qui l’accompagnaient. Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu très-haut. Il le bénit en disant : « Béni soit Abram par le Dieu très-haut, qui a créé le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Et Abram lui donna le dixième de tout ce qu’il avait pris.

Description : Sur un fond de paysage montagneux, où se trouve une ville entourant un château, peint en grisaille bleutée, deux personnages se font face. A gauche, un prêtre de l’ancienne alliance, Melchisédech, à la coiffe caractéristique, une longue robe bleu vert recouverte d’une chasuble à franges, et d’une chape. Trois serviteurs le suivent, portant des vases. Melchisédech offre trois pains à un guerrier en armure du XVIIe siècle. Celui-ci, Abraham, reçoit les pains de sa main droite, sa main gauche à la garde de son épée. A ses pieds, deux coffres richement ornés renferment la dîme qu’il va offrir au grand prêtre. Une courte cuirasse à franges de cuir recouvre son torse, recouvrant une robe rose à longues manches. Sa tête est protégée par un casque morion. Trois guerriers l’assistent.

2 La Messe :

Un immense dais circulaire pourpre, écho de celui abritant le Christ dans le repas d’Emmaüs, surmonte l’autel. Des courtines vertes sont ouvertes, dévoilant le mystère de la Messe. La scène se déroule dans une église, au chœur recouvert de boiseries, au plafond en coquille.

Un prêtre, tonsuré, est agenouillé sur les gradins devant l’autel. Tenant l’hostie avec les pouces et l’index, il élève l’Eucharistie, où l’on devine le Christ en croix, des rais d’or émanant du Pain.

Le prêtre porte une aube blanche, une chasuble pourpre, brodé d’un crucifix ; un assistant soulève le bas de la chasuble, tandis qu’il tient de la main gauche un flambeau. Deux hommes sont en prière.

Sur l’autel, garni d’une nappe blanche, sont posés un missel enluminé et un calice surmonté de la pale. Derrière eux se dressent quatre statues de saints auréolés.

Panneau St Jean des Ollières, Trésor de la cathédrale, la messe

Troisième panneau : Elie au désert, les apôtres à Jérusalem

1 Elie nourri par un ange :

Source : 1 Rois 19, 4-8

Quant à lui, il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! ». Il regarda, et il y avait près de sa tête une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit. Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange, car il est long, le chemin qui te reste. » Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.

Panneau St-Jean-des-Ollières, Trésor cathédrale, Elie au désert

Description :

Couché au pied d’un arbre, un personnage barbu, épuisé, adossé à un rocher, porte à sa bouche un pain apporté par un ange. Une grande aiguière lui permettra de boire. L’ange lui indique le chemin qu’il devra prendre, vers une grotte dans la montagne, et que la nourriture reçue lui permettra de gravir.

On distingue derrière les arbres, en grisaille bleutée, la ville qu’il a quittée pour fuir la persécution de Jézabel. L’ange, auréolé, vêtu d’une tunique jaune par-dessus une robe rose, porte de courtes ailes multicolores.

Source : Actes des Apôtres, 12, 3-4

Voyant que cette mesure plaisait aux Juifs, il décida aussi d’arrêter Pierre. C’était les jours des Pains sans levain. Il le fit appréhender, emprisonner, et placer sous la garde de quatre escouades de quatre soldats ; il voulait le faire comparaître devant le peuple après la Pâque.

Description :

La ville sainte apparaît en grisaille bleutée, tandis qu’un bâtiment rose se détache à droite : cet édifice circulaire, le rez-de-chaussée composé d’arcades en plein cintre, est surmonté d’une rotonde ajourée. C’est le temple de Jérusalem, d’où sortent les apôtres reconnaissables à leur auréole.

Au premier plan, Pierre est arrêté par un juif : nous avons privilégié l’hypothèse de l’arrestation de Pierre, qui a eu lieu le jour de la fête des pains azymes, le jour de la Pâque juive, à celle du jour de Pentecôte, où les apôtres sortent pour prêcher.

Il semble possible que le bâtiment à l’arrière plan, une tour surmontée d’un édifice, puisse être le Château Saint-Ange à Rome.

Panneau St-Jean-des-Ollières, Trésor cathédrale, Temple de Jérusalem

Quatrième panneau : La Pâque, la Cène

1 La Pâque juive

Source : Ex 12 ; 3,6, 8-11

3 Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison.
6 Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël, on l’immolera au coucher du soleil.
8-11 On mangera sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous n’en mangerez aucun morceau qui soit à moitié cuit ou qui soit bouilli ; tout sera rôti au feu, y compris la tête, les jarrets et les entrailles. Vous n’en garderez rien pour le lendemain ; ce qui resterait pour le lendemain, vous le détruirez en le brûlant.
Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur.

Panneau St-Jean-des-Ollières, Trésor cathédrale, la Pâque

Description :

Moïse, cornu, et ses compagnons, debout, le bâton à la main, la ceinture aux reins, s’apprêtent à manger l’agneau pascal, rôti, qui est posé sur un plat et entouré d’herbes. Les personnages ont des robes courtes, des bottes ouvragées. Quatre des juifs portent un couvre-chef. Moïse désigne le ciel de sa main droite, indiquant qu’ils réalisent la volonté de Dieu. La perspective est soulignée par le dallage, l’ellipse de la table, et l’architecture de l’arrière-plan, en marbre.

Source : Math 26, 20-26

Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze. Pendant le repas, il déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. » Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : « Serait-ce moi, Seigneur ? » Prenant la parole, il dit : « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! » Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. »

2 La Cène

Description :

Un dais rouge et vert rappelle le ciborium de la messe. Jésus et ses douze apôtres sont attablés devant une table circulaire recouverte d’une nappe blanche, analogue à celle du panneau de la Pâque juive. Sur cette table, au centre, se trouve sur un plat l’agneau pascal. Saint Jean, les bras croisés, repose sur la poitrine du Christ.

Les corps sont tordus, en mouvement : le peintre souligne combien les apôtres sont bouleversés par l’annonce par Jésus de la trahison d’un des siens.

Panneau St-Jean-des-Ollières, Trésor cathédrale, la Cène